14 février 2009

Se relire

Mes propos sur la communication me paraissent à la relecture fades comme un plat que l'on aurait laissé trop longtemps au congélateur. Les ingrédients qui feraient une bonne chronique de la communication politique aujourd'hui sont d'une toute autre nature que ceux de l'époque du Chirac 2.

Aujourd'hui en ce mois de février 2009, Raffarin et Villepin me semble avoir été de simples étudiants en communication, traitant les affaires comme des cas d'écoles pour se faire la main. Sarkozy est d'une autre trempe. Alors que je reprochais aux premiers de traiter toute question politique d'abord comme une problématique médiatique, le second a choisi de conduire la politique comme un instrument médiatique. Pour comprendre Sarkozy, on peut choisir la métaphore du métier de sa compagne. Tout d'abord, écrire des chansons, un programme, ensuite en faire une version enregistrée à la télé via une série de discours "historiques", se faire élire en tête du top 16, et après débute la tournée pour 5 ans en province avec quelques dates à travers le monde.

Ce n'est plus qu'un spectacle, et il n'y pas à l'heure d'aujourd'hui de meilleur bateleur que Sarkozy. C'est le n°1, le Johnny du grand barnum politique. Sa popularité est aussi douteuse que celle du chanteur, on lui reconnaît un quelque chose de charismatique, une énergie incroyable, et peut-être au fond, ceux qui l'aiment, l'aiment aussi parce qu'il a le courage d'être con et de ne pas chercher à le cacher.

Et comme il l'a dit l'autre soir sur 3 chaînes en même temps : "c'est pas parce qu'on est petit qu'il faut renoncer". Voilà bien une preuve de sa grandeur. Voilà en tous cas, sa force : il n'a aucune vision, mais il préside néanmoins à la destinée d'un pays de 60 millions d'âmes. Il ne dit pas ce qu'il faut faire, il fait ce qu'il faut... pour qu'on ne lui marche pas dessus, pour surmonter sa petite taille, sa position de petit dernier, son complexe intellectuel, bref un cocktail de ça et de surmoi composé pour devenir "une bête de scène".

Bientôt notre pays sera devenu une scène pour les bêtes et autres animaux sauvages. Et à l'anarchie qui régnera dans les rues, le pouvoir opposera une nouvelle  forme de fascisme ; le sarkozysme.

A bon entendeur, salut

18 février 2007

Où l’on apprend qu’un journaliste vote aussi

Bon, bon, il a dit qu’il voterait Bayrou, le bougre, le Robert Parker de la politique française, celui qui établit le classement des candidats à chaque millésime présidentiel et dont la réputation est telle qu’il n’a pas à craindre de déclasser une candidate au motif de son manque de bouteille. Il l’a dit, et voilà tout le landernau journalistique complètement sens dessus dessous.
Pauvre Alain Duhamel, pauvres journalistes, soudain tout nus !
Les uns d’accuser Internet, ce juge sans conscience, pour avoir révélé l’aveu, les autres son principal employeur, France Télévision, pour l’avoir sanctionné injustement en le privant de plateau télé jusqu’au 5 mai.
Mais où est au juste le scandale ? On nous explique que les journalistes sont tenus à un certain devoir de réserve en matière d’opinion politique (ça alors !). Duhamel a fauté. D’où sanction. Pas de scandale là.

Remarquons au passage que Duhamel – dans le communiqué qu’il a publié après l’annonce de la sanction - estime qu’un amphi de Sciences-Po est un « espace privé » (chouette ! je peux fumer alors ?). Voilà une conception bien extensive de l’espace privé, peut-être considère-t-il la rue Saint Guillaume un peu comme chez lui, ou connaît-il personnellement tous les participants de cette réunion. Ça en dit long sur la confusion qui règne dans l’esprit de l’homo journaliticus moyen : parler devant un parterre d’une centaine d’étudiants, c’est parler en privé. Effectivement rien à voir avec les millions d’auditeurs de RTL ou de téléspectateurs de France Télévision.
En fait, Alain Duhamel n’a pas d’espace privé, sa vie est presque entièrement vouée à la politique. Il faut bien qu’il se lâche de temps à autre, et comme il n’a pas le temps de lever le coude au comptoir pour s’épancher (quoique maintenant...), il s’est dit qu’un public de jeunes militants UDF ferait l’affaire.

Mais je m’égare. Revenons au scandale. Hubert Huertas de France Culture qui s’exprimait au journal de 8h vendredi matin, l’a assez bien saisi (loué soit Internet, on retrouve tout) et de revenir sur la neutralité de Patrick de Carolis (auteur d’une bio de Bernadette), de Dominique Baudis (ancien maire de Toulouse, de droite) et de Michel Boyon, son remplaçant au CSA et ancien directeur de cabinet de Jean-Pierre Raffarin. Bref, les responsables de la neutralité des médias publics (où on ne peut pas fumer, donc) sont tous au-dessus de tout soupçon. L’ironie était claire.
Le scandale est là, et on aurait bien tort de croire qu’il est petit le scandale. On pourrait penser qu’il est bien éventé et donc qu’il n’y a pas lieu d’y revenir. Mais en fait le malaise des éditorialistes (voir l’édito du Monde daté du 18/2/7) dit assez bien la déflagration à laquelle nous assistons.

Ce petit « je voterais pour lui » est en somme le déchirement insupportable du voile de vertu dont les journalistes se parent prestement le matin en partant au boulot. Et ça fait mal, et tout à coup on a froid dans le dos. Suis-je comptable de toutes mes opinions vis-à-vis de mon public ? N’ai-je pas pêché un jour d’un léger manque d’impartialité ? La défiance des Français à l’égard du manque d’indépendance de la presse prendrait-elle racine dans mes menues fautes ?
Soudain, les journalistes doivent faire face à la réalité : ils sont comme tout le monde, ils votent. Et partant, ajoutons qu’ils ont des opinions, des préférences, des avis, qu’ils fréquentent des salons, qu’ils mangent et pas toujours avec d’autres journalistes, qu’ils dorment et parfois leur compagne ou compagnon ont un métier auquel ils ne sont pas indifférents, ils pensent aussi et se trompent (forcément, tout le monde se trompe), bref, ils sont humains.
Mais que n’ai-je pas dit là ! J’oubliais la déontologie, le métier, la carte de presse, l’engagement professionnel, tout ce qui distingue le journaliste d’un simple blogueur, tout ce qui fait qu’il va s’efforcer tout au long de sa journée (comme le rappelle Jean-Michel Apathie dans sa nécro de Duhamel) de tendre vers une forme de perfection journalistique.

Alors quoi, ce scandale, il est où enfin ? Ben là, devant nos yeux. La presse se rengorge de son indépendance depuis des décennies, mais elle n’est pas indépendante. Pas à cause de la pub ou des actionnaires, non, mais simplement parce que ses journalistes ont oublié qu’ils votaient. Ils votent ! Ce sont des citoyens ! Oui, comme nous !
Ils ont oublié (sans doute en salle fumeur) qu’ils étaient des citoyens et que leur métier de journaliste pouvait être assimilé à une « profession ». Le grand mot : profession ! Profession comme médecin, avocat et enseignant qui chacun procure un bien (la santé, la liberté, le savoir) dont la valeur est sans commune mesure avec la rétribution de ce bien puisque ni la santé, ni la liberté ou le savoir n’ont un prix. Le rôle du citoyen-journaliste est de servir la vérité. Point.
Mais tout cela est si loin, si théorique, si moral, si chiant, si démoralisant qu’au bout du compte on l’oublie, on se contente de faire son papier droite-gauche, patrons-syndicats, flics-manifestants, capital-prolo, occident-tiers-monde, USA-URSS (zut, raté), bref, on se contente d’être neutre, comme ça on ne prend pas partie, donc on ne vote pas et on se croit respectueux de l’opinion des autres.

Et le scandale est là : la neutralité de la presse est un succédané de sa défunte indépendance. Un succédané tout poisseux de paresse intellectuelle, de complaisances mal assumées et parfois même sans doute d’une véritable crainte envers les puissants. La confession chuchotée d’Alain Duhamel a fait exploser l’arrangement que les journalistes avaient avec cette si gênante citoyenneté qui les engage à servir la vérité.
Quel gâchis cependant, la profession de journaliste est l’une des plus heureuse et des plus enivrante, elle ne demande qu’une chose en retour : un peu de courage.

15 mai 2005

Non mais !

Je ne dois pas avoir tout compris. Nul ne s’en étonnera de la part d’un ordinaire citoyen que l’on sollicite en moyenne une fois par an pour choisir une femme ou un homme parmi une liste de candidats à un mandat électif. Mon vote compte un peu, mon opinion un peu moins, mon avis pas du tout. Pour une fois, et c’est la seconde fois de mon existence d’électeur, on me demande un avis tranché, cette fois sur un projet de traité de constitution pour l’Europe. Je répondrai oui ou non. Ceux qui l’emporteront se chargeront bien volontiers de tracer les nuances. C’est ainsi.

Inutile de rappeler ici les heures passées à essayer de comprendre de quoi il retournait, les discussions avec les amis, les longues soirées de télévision, les outrances du bocal médiaticopolitique. Je ne comprends pas le TCE. Je sais pourtant lire, j’ai quelques notions de droit, de politique même, mais je ne comprends pas ce traité de constitution pour l’Europe.

J’ai appris à l’école qu’avant 1789, nous vivions sous un régime monarchique, puis une démocratie républicaine, puis l’empire, puis une monarchie constitutionnelle, puis à nouveau et enfin une démocratie républicaine. Quand je lis le TCE, je ne sais pas de quoi il s’agit.

Est-ce une nouvelle forme de démocratie ? Est-ce une fédération d’états démocratiques ? Est-ce un régime oligarchique ? Technocratique ? Timocratique ? Est-ce un peu de tout ça à la fois ? Que sont les droits et les devoirs d’un citoyen européen ? Qui sera responsable devant le peuple européen de la politique conduite en Europe ? Qui contrôlera l’exercice du pouvoir ? Comment les lois seront-elles débattues ? Quelle est ma place de citoyen là-dedans ?

J’ai lu, relu le traité, rien n’est clair. Chaque article en cache un autre qui appelle la lecture d’un troisième. La charte des droits fondamentaux dit une chose, mais cette chose ne s’applique que si la constitution européenne le veut bien, que si le droit national ne dit pas le contraire. Où est le droit ? Où sera la justice ? Où seront les responsables ?

Nous vivons en paix, ou presque, depuis 60 ans. Je préfère notre cinquième République vieillissante, une démocratie essoufflée, au régime de Vichy. Bien. Vais-je devoir maintenant avaler le TCE parce que c’est un moins mauvais traité que Nice ? La politique est-elle devenue une affaire de traités, de contrats plus ou moins bien ficelés, avec des clauses cachées que de rusés avocats sauront faire jouer en faveur de quelques fortunés ? Le TCE est un meilleur contrat que le traité de Nice pour le citoyen français, cela signifie-t-il que je paierai mon abonnement de téléphone mobile moins cher, que la TVA de la restauration baissera, que La Poste continuera de fonctionner, que les avions seront plus gros ? Ou bien le contraire ? Mais pourquoi diable faut-il que je signe un contrat ?

Le seul contrat politique que je signe s’appelle le contrat social. C’est un contrat qui lie les citoyens et leurs élus. Le citoyen Chirac, réélu président de la République en 2002, nous invite à nous prononcer sur le TCE. Il a estimé, et nous lui avons conféré ce pouvoir et cette charge, que l’adoption du TCE par les citoyens français passait par un référendum. Et tous les jours, tels les vaillantes chargées de développement commercial d’un opérateur téléphonique, les hommes politiques en faveur du oui nous répètent que refuser ce TCE serait impossible. Impossible, Il n’y a pas de plan B disent-ils. Pas de plan B ? De quoi me parlent-ils ? Un traité, une constitution, un contrat, un référendum, et maintenant un plan ? Qu’est-ce que ça veut dire ? Est-ce par déformation professionnelle qu’ils parlent ainsi : « si je perds les élections législatives, je me rabattrai sur mon mandat de maire, c’est mon plan B ».

Moi, j’ai un plan B pour eux en cas de victoire du non. Qu’ils fassent leur boulot de politiques. Qu’ils convoquent une constituante, une vraie. Une constituante élue par les Européens, qui elle planchera sur les questions que 99 % des électeurs se posent : c’est quoi cette politique ? A quoi ça sert une constitution ?

Des questions que, soit dit en passant et sans méchanceté, on se posait déjà il y a 2500 ans et qui déjà n’avaient rien à voir avec la taille des avions.

29 avril 2005

Le TCE, un contrat social précaire ?

« Né citoyen d’un état libre, et membre du souverain, quelque faible influence que puisse avoir ma voix dans les affaires publiques, le droit d’y voter suffit pour m’imposer le devoir de m’en instruire. Heureux, toutes les fois que je médite sur les gouvernements, de trouver toujours dans mes recherches de nouvelles raisons d’aimer celui de mon pays ! », Du contrat social, Jean-Jacques Rousseau, citoyen de Genève, 1762

Tout le monde le dit, le TCE c’est plus, c’est mieux ! Avec le Traité pour une Constitution de l’Europe, le Parlement aura davantage de pouvoir, le citoyen plus de démocratie, la France plus de poids et les voyageurs de plus gros avions ! Le TCE, ça va nous rendre plus fort, plus européen, plus social, plus dynamique. Pourquoi discuter, c’est mieux pour le même prix. A budget identique, le consommateur choisit le meilleur produit... Alors Nice ou TCE ?

Les nombreux protagonistes du débat, parmi lesquels on compte désormais Lionel Jospin, reprochent aux partisans du Non de ne regarder que la bouteille à moitié vide au prétexte de la crise économique et politique de la France. Qu’ils jugent plutôt l’Europe et les améliorations qu’apporte le TCE. Qu’ils jugent donc.

Nous sommes à un mois jour pour jour d’un vote que je qualifierais d’historique. Le précédent vote équivalent remonte à 1958, lors du référendum pour la Veme République. En avril 2002, les Français ont entériné une évolution politique en marche depuis la disparition du général de Gaulle : l’effritement de l’électorat des partis dits de gouvernement. Le pourcentage de votants en faveur des deux grands partis de gouvernement du moment est 75,15% à 34,84% entre 1974 et 2002, soit une baisse de plus de 40%. Alors que le nombre de votant passait de 25 à 29 millions, le nombre de votants en faveur de ces deux candidats est passé de 19 à 10 millions. L’analyse n’est certes pas neuve, mais dans le contexte du référendum du 29 mai, elle montre clairement que les partis du camp du Oui (UMP, UDF, et la moitié du PS) sont structurellement minoritaires. Est-ce à dire que le TCE constitue une aubaine pour eux alors qu’ils sont démocratiquement affaiblis ? On peut le craindre.

Nous voilà donc à la croisée des chemins : une cinquième République en déréliction progressive depuis la disparition du général de Gaulle et de François Mitterrand, un passage de relais non pas vers une nouvelle République Française mais vers une constitution européenne. La question que l’on nous posera le 29 mai n’est donc pas : voulez-vous ou non des avions de 600 places ? Mais, quel système démocratique voulez-vous pour prendre le relais de notre République ?

Or, c’est bien sur le thème des institutions démocratiques que les partisans du Non ont le plus d’arguments. Que devient notre constitution avec le TCE ? De quelle façon les relais démocratiques fonctionneront entre parlements nationaux, parlement européen, commission et conseil des ministres européen ? Quelle place aura le citoyen dans ce nouvel ensemble ? Il ne suffit pas de répondre à ces questions que le TCE sera mieux que Nice, il faut expliquer au citoyen que les grands équilibres démocratiques sont au moins préservés, sinon renforcés.

Pour ma part, je trouve que la complexité du texte est réelle. Le principe de co-décision laisse entendre que le conseil peut décider seul, sans le parlement. La commission a le monopole quant à l’initiative des lois. La charte des droits ne prévaut pas sur la partie I du texte, mais s’applique quand cette dernière ne dit rien. Les pétitions n’ont rien de contraignant (un vote l’est). Le parlement ne peut pas s’opposer à la commission, sauf à la destituer. Dans ce dernier cas, les membres de la commission sont proposés par le conseil. Je passe sur les nombreux articles dont la compréhension fait appel à des compétences de constitutionaliste. Bref, le compte n’y est pas.

Le sentiment que cette constitution là aboutit à un contrat social au rabais est tenace, et en tant que citoyen, je ne suis pas prêt à lâcher ce que la France a mis deux siècles à conquérir par le débat et parfois le sang. Le TCE c’est mieux, mais ce n’est pas encore bien.

11 décembre 2004

Tombé de son arbre

(« Il ne faut pas exporter nos modèles dans des fourgons blindés », Raffarin au Mexique en 2004)

C’est juste que ça fait longtemps. Mauvais prétexte, mauvaises excuses. Impressionné par les déclarations de Raffarin au Mexique dont je ne retrouve trace sur le Web (pour réparer cette absence, les voici donc extraites à la main d’une manchette du Canard du 24/11/04: « C’est perché au sommet de son arbre généalogique que l’homme sonne le plus juste. (…) Pour un grand nombre de philosophes, le soleil c’est l’homme.» Le premier ministre s’est également opposé aux « chars lourds capables de porter les idées uniques » et a conclu ainsi : « Il ne faut pas exporter nos modèles dans des fourgons blindés »), impressionné donc par ces nouvelles raffarinades, j’allais reprendre la plume quand une nouvelle marée de boulot et de soucis m’a submergé. La grève libérée, je reprends donc.

Pour ceux des Mexicains qui n’ont pas même un morceau de pain à se mettre sous la dent, voilà donc déjà la farine. Les autres (ceux qui ont à manger, NDMA) auront pu goûter les délices de ce remix pataphysicien de l’idéologie libérale contemporaine et même s’offrir le luxe de penser franchement que le dirigeant français est au moins aussi taré que ses homologues des temps où les dictateurs dévoyaient leur langue aux confins du sens et de la morale. Pardon pour ces commentaires diffamants et goinffrés de références absconses, mais il me faut transiter vers un autre sujet, et il ne fait pas bon rester dehors trop longtemps en cette fin d’automne verglassante (voilà qu’à mon tour je commets des raffarinades!).

Les formules sont là pour marquer les mémoires débiles (fragiles ou séniles, comme vous voudrez) à l’heure où les esprits se rendent de plus en plus disponibles à force de traitements cathodiques à haute dose (si vous avez été au Collège, vous vous souviendrez sans doute de cette expérience qui consiste à transporter des électrons d’un point à un autre en usant d’une anode et d’une cathode, c’est un peu ce que fait TF1 avec les neurones qui disparaissent du cerveau pendant les programmes pour réapparaître durant les pubs. Etonnant non ?), en ce sens Raffarin, ancien communiquant à caractère commercial, a très bien compris que ses discours devaient être forgés comme des statements (formules) publicitaires.

Il serait stérile de commenter les formules mexicaines de notre philosophe de premier ministre, mais ce serait dommage de s’en priver. Pas étonnant que Raffarin sonne faux puisqu’il est au fond du gouffre, voila pour la première. Pour la deuxième, j’avoue que je ne vois pas bien l’allusion mais si le soleil c’est l’homme, il se pourrait que la lune soit la femme. Je sais bien que « pour un grand nombre de philosophes », l’homme c’est l’homme et la femme, mais j’ai un doute quant à Raffarin, car l’on dit bien « con comme la lune » (facile, je sais). « Quand le sage montre la lune, l’idiot montre le doigt » me souffle un ami. Raffarin est un sage, nous des idiots. C’est clair, non ?

C’est épuisant de faire l’exégèse des discours de Raffarin. Je ne sais que dire des « chars lourds de la pensée unique » ou des « modèles exportés dans des fourgons blindés ». Je devine bien une allusion à la guerre froide et au modèle stalinien. Je détecte également un compliment sous entendu au modèle libéral, plus souple, qui s’imposerait par la grâce de son évidence (le fameux « plus de concurrence, plus de liberté pour le consommateur »). Mais je m’interroge sur l’espèce de cerveau qui anime Raffarin. Qu’y a-t-il dedans ? D’où viennent ces concepts ? Quelle est sa vision du monde ?

Un singe est juché sur son arbre. Il a une idée : le soleil c’est l’homme. Il faut que j’explique ça aux autres se dit-il. Le voilà qui prend les manettes d’un char lourd qu’il prend pour un fourgon blindé. Ne sachant pas conduire un char, il écrase un autre singe, bêtement descendu de son arbre. Catastrophé, il déclare : « il ne faut pas exporter nos modèles dans des fourgons blindés ».

Fin de l’histoire. Si, comme le pensait Paul Valery, les civilisations sont mortelles, alors Raffarin est un psychopathe tueur de civilisations. (Pas mal, non ?)